Un des plus beaux chevaux dont j'ai croisé la route. Un cheval d'origine américaine. Petit gabarit, des allures souples et un caractère si confiant. Un vrai gentil comme on dit dans le jargon.
Paco est arrivé chez nous en tant que reproducteur. Rôle dans lequel il s'est dévoué corps et âme!

Je ne parvenais pas à détacher mes yeux de ce cheval. Vous savez, le genre de cheval dont on ne peut pas se lasser. Celui qui capte l'attention, le regard, qui captive sans même rien y faire.
Je le destinais à plusieurs de mes juments, ainsi qu'à bien d'autres en extérieur. Comme dans une tragédie grecque, toutes les échographies de mes juments se révélaient négatives, pour mon plus grand desespoir, mais je me disais "oh ce sera pour l'an prochain, ca ne fait rien"
Et un jour de juin, il faisait une chaleur écrasante comme l'on peut en subir ces dernières années, je vois Paco au pré sous son arbre en galante compagnie.
Je lui trouve un regard un peu vide, une attitude un peu basse, l'encolure pas aussi expressive qu'à son habitude.
Rentrant dans le parc, je le vois frissonner et tressaillir. Etrange pour une température extérieure pourtant bien au dela de la température habituelle?
Je le rentre au box et sa démarche me confirme que quelque choses ne tourne pas rond du tout.
Prise de température: 36.5, il a dont bel et bien froid en plein mois de juin. Pas trop d'appétit, et vraiment pas en forme.
J'appelle la permanence vétérinaire qui me dit: "couvrez le mais c'est juste un coup de froid, rien d'alarmant on se tient au courant demain"
Couverture, dans l'infirmerie et l'esprit pas tranquille, je m'exécute. Le soir, toujours apathique, température pas remontée... bref, la nuit va être longue.
La caméra est activée et je le suis sur mon petit écran de téléphone. Les mouvements sont très lents, peu actifs. Et je remarque qu'il ne boit pas.
Téléphone le lendemain au vétérinaire traitant de notre écurie, qui lui me dit qu'il veut bien le voir car effectivement les signes ne sont pas vraiment cohérents.
A midi, consultation, prise de sang, examen clinique général. Paco marche doucement, mange de l'herbe mais sans conviction.
Les resultats sanguins annoncent un problème rénal. Fait très rare chez les chevaux, Paco aurait un soucis rénal? Le vétérinaire n'est pas forcément convaincu, mais on entreprend les perfusion, à changer chaque quatre heures.
On passe 60 litres de perfusion, et je trouve que l'abdomen de Paco devient très rond, très tendu. Le vétérinaire revient le lendemain.
Rien qu'en voyant sa tête en descendant de sa voiture je sais que le pronostique est non seulement mauvais, mais désastreux.
Il me demande si Paco a uriné, mais il connaît déjà la réponse en voyant le cheval.
Il me dit d'emblée "ses reins sont foutus s'il n'a pas réussi a uriner. Il faut le laisser partir"
Il y a une chose que l'on sait lorsqu'on accueille un animal dans notre vie, c'est qu'on risque à chaque instant de le perdre. Souvent on espère le plus loin le moment de devoir prendre cette décision.
Hélas, comme dans la vie en générale, il y a aussi cette monstrueuse injustice qui nous cloue le coeur et nous coupe la respiration.
On se sent alors si faible, qu'on ne fait que bredouiller un "d'accord". On réprime les larmes, parce qu'on est juste rien et personne à ce moment la. On a envie que ca passe vite et en même temps que ca dure encore. C'est un sentiment que je ne souhaite à personne.
Paco s'en ira tout doucement, j'espère qu'il a rejoint des prairies ou il peut faire miroiter sa robe si parfaite et les rondeurs de ses muscles.
Il a été un de mes plus grands chagrins.
L'année suivante, un des mes voisins, qui avait amené deux de ses juments à notre cher Paco, me téléphone. Un poulain est né, le 17 mars, jour de mon anniversaire. Il me dit: "on dirait le portrait de son père Paco"
C'est ainsi que Mister Paco Monesto à rejoint notre écurie. Un clin d'oeil de la haut de son si gentil papa?
Je le vois dans beaucoup de ses gestes, et dans son joli regard.
Un si beau cheval ne meurt jamais !




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